Le paradoxe de l'indépendance

Dans les dernières années, on entend de plus en plus la phrase : « C’est correct d’aller chercher de l’aide. » Mais je crois que c’est plus que ça : nous devons demander de l’aide. Notre société occidentale nous a inculqué l’idée que l’une des plus grandes qualités qu’une personne peut avoir est l’indépendance. Quel exploit de pouvoir accomplir quelque chose tout.e seul.e, comme un.e grand.e !

En réalité, les êtres humains ont toujours cherché à faire partie d’un clan. Autrefois, il était littéralement impossible de survivre seul.e. Mes client.e.s me parlent souvent des rejets qu’ielles ont vécus et se jugent durement pour leurs réactions :

  • « Je n’en reviens pas de pleurer autant parce qu’ielle ne voulait pas de moi. »

  • « Je me trouve tellement faible d’avoir de la peine parce qu’on ne m’a pas invité.e à tel événement. »

  • « Je devrais m’en foutre qu’on n’ait pas pensé à moi pour ma fête. »

Quand j’entends cela, je leur réponds : Saviez-vous que, lorsqu’on se sent rejeté.e, la partie du cerveau qui s’active est la même que celle impliquée dans la douleur physique ? Ce n’est pas une question d’estime ou de faiblesse. Ce besoin d’être vu.e et accepté.e est viscéral.

Ielles me disent aussi qu’ielles ne veulent pas dépendre de quelqu’un pour s’en sortir, qu’ielles devraient être capables toustes seul.e.s. Je souris un peu et leur demande : « Ok… Alors, qu’est-ce que vous faites ici ? Quel est mon rôle ? » La thérapie n’est pas seulement un espace de guérison individuelle, c’est aussi un endroit où l’on apprend à se connecter aux autres.

Pour moi, l’un des plus beaux objectifs de la thérapie est de créer une relation saine. C’est un laboratoire où s’exprimer, développer un attachement sécure et apprendre à être soi-même. Le lien que vous créez avec votre thérapeute devient un modèle que vous pouvez transposer dans votre vie personnelle.

Imaginez un.e enfant au parc. Iel s’aventure, grimpe, glisse, s’élance – mais, de temps en temps, iel jette un regard en arrière, cherchant du coin de l’œil la silhouette familière de son parent. Ce parent, assis.e là, tranquille, est une ancre invisible qui le/la retient sans jamais freiner sa liberté. C’est le paradoxe étrange et magnifique : l’enfant se sent libre, mais cette liberté prend racine dans cette présence aimante. En sachant que son parent veille, iel ose explorer le monde avec audace. Sans ce regard bienveillant pour le/la rassurer, l’enfant n’aurait pas la même confiance.

La véritable indépendance naît de ce sentiment de sécurité : « Si tu tombes, je suis là. »

Être qualifié.e de « dépendant.e » ou « trop dépendant.e » mérite réflexion. Souvent, ce comportement exprime un besoin de connexion, une façon de demander de l’aide face à un sentiment d’impuissance. Au fond, c’est une tentative de se soutenir soi-même, parfois maladroite, parfois constructive. Si quelqu’un se tourne vers vous dans un moment de vulnérabilité, c’est qu’ielle reconnaît en vous la force de le/la soutenir.

Quand nous aidons quelqu’un, nous activons dans notre cerveau des circuits de récompense et de bien-être qui libèrent des hormones comme l’ocytocine et la sérotonine. Ces hormones, qui renforcent les liens sociaux et réduisent le stress, profitent autant à la personne aidée qu’à nous-mêmes. En soutenant l’autre, nous cultivons notre propre résilience et renforçons nos capacités à affronter nos propres défis.

Aider devient un acte doublement puissant : en offrant notre force, nous renforçons la nôtre. C’est un cercle vertueux où la compassion que nous exerçons à l’extérieur devient une source de guérison intérieure. Plus nous apprenons à être présent.e.s pour les autres, plus nous développons les ressources nécessaires pour être là pour nous-mêmes


Marie-Lise

Travailleuse sociale

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Et si la dépression pouvait vous sauver la vie ?