La pointe de l’iceberg

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Sept vies.  Sept femmes.  Un nombre incalculable de personnes affectées suite à leurs décès.  Une société toute entière endeuillée.  Impossible de rester indifférents.  L’inacceptable, l’inexcusable, l’incompréhensible.

Pourtant, la pointe de l’iceberg.  Une infime portion de toutes les manifestations de la violence conjugale.  La partie que l’on voit, celle sur laquelle tout le monde s’accorde pour la qualifier de violence.  Celle qui brutalise, qui bouscule, qui frappe, qui poignarde, qui étrangle, qui pousse, qui retient, qui maintient, qui s’acharne.  La violence qui cause des plaies, qui brisent des corps, qui sème trop souvent la mort.  Celle dont les cris alertent parfois les voisins, les passants.  Celle qui passe à l’histoire.  Cette violence qui crée le chaos, laissant des enfants orphelins, des parents dévastés, des voisins abasourdis, des proches éplorés, des témoins bouleversés.  La violence ultime.  L’irréversible.

Mais il y a aussi la violence qui tue à petit feu.  Au sens propre comme au figuré.  Celle qui s’en prend à l’âme.  Tranquillement, qui nous amène à dépérir, à nous affaiblir, à disparaître.  Celle qui éteint notre flamme, l’essence même de ce que nous sommes.  La violence insidieuse.  Plus discrète.  Celle qui ne fait pas les manchettes, du moins pas encore.  Le poids des mots, des regards lourds et menaçants, des tournures de phrases assassines, des soupirs qui laissent craindre le pire.  Quand la simple présence de quelqu’un nous paralyse, parce qu’elle est un rappel du sentiment d’être coincés, figés, enclavés, enracinés.  L’araignée qui tisse sa toile. 

Il y a la violence qui n’est pas nécessairement criminelle au sens de la loi, mais qui pourtant détient la force d’ébranler, de déstabiliser, de submerger.  Et si parfois, durant un bref instant, on peut avoir l’impression de l’apercevoir, on se demande si elle existe réellement ou si elle n’est pas le fruit de notre imagination.  Celle qu’on minimise, qu’on banalise, pour tenter de rester fonctionnel.  Celle dont les effets se font pourtant ressentir…  ce malaise diffus, persistant, insaisissable.  La violence qui nous amène à tout remettre en question, constamment, à s’en épuiser.  À analyser chacune de nos actions, de nos décisions, de nos pensées.  La violence qui nous amène à invalider tout ce qui émane de nous.  Celle qui sème la confusion, qui nous prive de nos capacités de réflexion, qui nous fait douter, hésiter, appréhender.  La violence qui nous freine, qui nous paralyse.  La violence qui use, inlassablement, jour après jour.

La violence conjugale n’a pas de préjugé.  Elle peut s’installer partout.  Avec elle, personne n’est à l’abri.  Elle peut apparaître très rapidement ou bien s’installer graduellement au fil du temps. Assurément, chacune des formes qu’elle prend est inacceptable.  Le calme, la liberté, la sécurité, la tranquillité d’esprit.  LA VIE.  Nous y avons tous droit.  Ce ne sont pas des privilèges auxquels nous accédons au mérite. 

La violence sème la peur, le doute, le silence, la peine, la colère, l’ambivalence, l’incompréhension et trop souvent, la mort.  Au-delà des traumas, il y aura toujours la force, la résilience, la reprise de pouvoir, le courage, la persévérance, la collaboration, l’entraide, la guérison, l’espoir.  L’espoir de briser le cycle.  Cette possibilité existe réellement.

L’ombre implique toujours une part de lumière, aussi petite soit-elle.  Faisons en sorte de la trouver et de la faire jaillir.  ENSEMBLE.  Pour que la vie triomphe.

Marie-Ève

Marie-Ève est une criminologue et œuvre auprès des personnes victimes depuis 20 ans.  On la reconnaît par son sens de la justice, son authenticité et son engagement envers les gens qu’elle accompagne.

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