Une bouteille à la mer
Ce matin, je me suis réveillée avec tous mes vêtements, mais avec des bouts manquants : un bas, des lunettes et des bouts de mémoire. Ce matin, je me suis réveillée à côté de quelqu’un que je connaissais, heureusement. Mais je me suis réveillée avec une double-honte : celle d’avoir oublié et celle de me rappeler. La honte d’avoir eu trop de fun avec du monde que je ne connais pas. Celle d’avoir vu venir la débarque, mais de n’avoir pu l’empêcher. « L’échapper », comme on dit. Et me voilà dans ma douche, nauséeuse, comptant les bleus sur mon corps. Ils sont trop nombreux et je ne comprends pas comment ils sont arrivés là.
Quelques heures plus tôt, je me préparais à un party d’halloween qui s’annonçait festif. La veille j’ai eu une prise de tête avec mon ex et ça m’a mise tout à l’envers. Reproches, menaces classiques et tout le kit. Ça « spinnait » tellement fort dans ma tête et je savais que l’alcool rentrerait au même rythme que les pensées négatives. J’avais hâte de noyer ce que je ressentais. De ne rien sentir en fait. Je me promettais que ce party-là aller me changer les idées.
Mais ce matin, je réalise l’ampleur de ma chute. Je me rappelle mon état d’esprit avant la fête et je m’en veux de ne pas avoir écouté les signes. Ce matin je réalise, j’accepte. J’accepte que les derniers mois étaient bien le fun (en tout cas, de ce que je me souvienne), mais que de se réveiller avec des bouts en moins annule pas mal l’euphorie de la veille.
Ce matin-là, après avoir retrouvé mon bas et mes lunettes, j’ai décidé que c’était assez. Que ce n’était plus drôle. Je pense que j’ai surtout eu peur que la prochaine fois, il m’arrive bien pire que quelques bleus non-identifiables. Ce matin-là, j’ai décidé de prendre une pause d’alcool et/ou tout autre substances pouvant altérer mon jugement et ma mémoire. Je ne me suis pas fixée de but ou de date précise. Juste arrêter. Arrêter jusqu’à ce que je trouve mieux que la débauche pour gérer mon chaos intérieur. Le premier mois a été le plus difficile. Dire non à tout le monde qui m’offrait juste une petite bière; expliquer ma démarche à ceux qui ne comprenaient pas; éviter certaines personnes que j’associais trop à « virer une brosse ». J’ai passé Noel sans champagne. J’ai célébré le jour de l’an dans un bar, sur les « mocktails ». Et plus les semaines s’écoulaient, plus ça devenait facile. Plus l’absence d’alcool s’intégrait bien à mon mode de vie; lus je réalisais que je n’avais pas besoin d’elle pour m’amuser et être fofolle. Peut-être que le fait de savoir que ce n’était pas pour toujours facilitait l’expérience. Toujours est-il que j’ai tenu quatre mois sans consommer. Ce qui était réellement une victoire pour moi. Heureusement, j’ai eu du support pendant ces mois-là. L’alcoolisme est une amie de la famille, alors j’ai eu beaucoup de soutien de certaines personnes qui étaient passés par là avant moi. Ils m’ont encouragé sans jugement, même lorsque je me suis sentie prête à réintégrer une consommation « normale » à ma vie.
Aujourd’hui, je bois. Généralement avec modération, parfois avec excès, mais beaucoup moins qu’avant. Mon « contrôle » n’est pas encore au point, mais j’ai beaucoup plus conscience et ça c’est primordial. J‘ai conscience que la consommation est un point sensible, une solution facile pour fuir ce que je n’ai pas envie d’affronter, pour m’évader et pour relaxer. Surtout quand je me sens anxieuse. Avoir pris conscience m’aide à me fixer des règles, des limites; les miennes. Pas celles que les autres pensent qui sont bonnes pour moi. Moi, ce qui m’aide c’est de ne tenir aucun alcool chez moi et d’en acheter que si j’ai un événement spécial de prévu. J’ai mis un X sur « le fort » (mettons que c’était un peu trop « efficace » pour moi), et j’essaie de ne pas boire d’alcool du lundi au vendredi. Ce n’est peut-être pas ce qui fonctionnera pour toi et c’est ben correct. Il n’y a pas UNE recette miracle, ni UNE solution universelle. L’important c’est de prendre conscience et de rester tendre avec toi-même. D’accepter que ton moyen pour gérer tes problèmes a déjà été utile, mais qu’aujourd’hui, il t’en créé plus qu’il n’en gère. D’accepter aussi que c’est pas impossible que tu retombe dans la bouteille, mais que c’est pas non plus impossible de se relever. Et trouver des moyens qui fonctionnent pour toi, pour te sentir mieux, pour ne plus tomber dans le panneau. Un petit pas à la fois.