La santé mentale sans liste d’attente ?

Quand j’ai créé la Clinique, je me disais : “Bon. Ça va pas. Les gens ont besoin de soutien, la pandémie a augmenté significativement le niveau de détresse psychologique des personnes, les listes d’attente au public sont impossibles et celles au privé s’allongent de plus en plus. Qu’est-ce que je peux faire moi ? Je travaille depuis 12 ans à accompagner des gens qui vivent des difficultés psychologiques et sociales de toutes sortes. J’aide, je soutiens, j’écoute, je réfère, je piste vers des solutions, j’éduque. Je ne peux pas croire que je ne peux pas faire quelque chose.”

Et bien sûr que je le peux. Tout comme mes collègues criminologues, psychoéducatrices, travailleuses sociales, sexologues, et bien d’autres.

Je m’explique.

Ma profession est peu connue dans l’espace de la consultation au privé. Criminologue. On pense tout de suite “ aux criminel.le.s”, aux prisons, à la justice. Ce n’est pas que c’est faux. Mais ce n’est qu’une certaine portion de ce que je peux faire. Oui, j’ai majoritairement travaillé auprès des personnes vivant des démêlés judiciaires, mais ces personnes, elles ne sont pas que leurs gestes. Elles sont avant tout des personnes. Des personnes qui vivent et ont vécu des traumas, des deuils, des difficultés à comprendre, à exprimer, à gérer leurs émotions. Des personnes qui ont pu vivre une enfance pas toujours rose, des dépressions, de l’anxiété, de la pauvreté. Des personnes qui se sont réfugiées dans la consommation pour apaiser leur douleur, faute d’autres moyens. Des personnes à qui on n’a pas toujours appris l’auto-gestion et l’auto-bienveillance. Des personnes qui tentent à tous les jours de pallier à leurs carences affectives, à leur manque d’estime et à faire face à tellement d’autres défis.

Bref, j’ai accompagné ces personnes. Et je crois bien être en mesure d’en accompagner d’autres, qu’ils aient "agi" leur souffrance en acte criminel ou non. Au final, on est tous des humains avec nos défis, notre passé, nos expériences lumineuses et d’autres plus sombres.

Les criminologues font partie de la grande famille des professionnelles en santé mentale et relations humaines. Dans cette famille, on compte aussi, entre autres, les sexologues, les psychoéducatrices, les travailleuses sociales et les psychologues. Nous avons chacune nos formations académiques, chacune nos spécialités plus précises et un ordre professionnel qui protège le public (les gens qui nous consultent) des actions que l’on exerce auprès d’eux. Mais une chose est commune, nous sommes toutes formées pour accompagner des gens dans leurs difficultés, à trouver des solutions qui fonctionnent pour eux et pour qu’ils aient une vie plus satisfaisante et douce. 

Les psychologues sont souvent les professionnelles vers qui les gens vont automatiquement se tourner pour avoir du soutien psychologique. Et on le comprend bien! Les psychologues sont des professionnelles tellement importantes, compétentes et hautement formées pour accompagner les gens en souffrance psychologique, pour traiter des problématiques internes plus ou moins complexes. Elles font une grande différence pour la santé mentale des individus.

L’idée ici est de souligner que d’autres types de professionnelles de la même famille sont également très bien formées et pleinement compétentes pour offrir de la relation d’aide aux personnes vivant des difficultés personnelles, sociales, familiales ou professionnelles. Ceci dit, il est important de spécifier une chose. Les psychologues et psychothérapeutes sont les seules professionnelles pouvant exercer la psychothérapie. Il s’agit d’un acte réservé par la loi. Par ailleurs, les autres professionnelles du domaine de la santé mentale et des relations humaines peuvent offrir de la relation d’aide, de l’accompagnement, du soutien, de l’écoute, des pistes de solutions pour aider les personnes qui vivent des difficultés. Tout comme les psychologues, ces professionnelles peuvent être plus spécialisées, avoir une expérience plus significative avec une problématique ou une autre (troubles alimentaires, troubles de la personnalité, anxiété, épuisement professionnel, etc.) et avec une clientèle ou une autre (enfants, adolescents, couple, famille, aînés, etc.). Pour les gens qui cherchent de l’aide, il peut être intéressant/important de demander des détails sur la formation et l’expérience de la professionnelle et voir si cela concordent avec leurs besoins.

Mon idée, en donnant vie à la Clinique, était de valoriser ces autres professions, qui sont moins connues de la population générale. De faire connaître leurs habiletés, leurs expériences solides, leurs compétences et toute l’aide et le bien qu’elles peuvent transmettre aux gens qui vivent des difficultés. De faire une place à ces professionnelles expérimentées et compétentes, dans le paysage de l’aide en santé mentale. De leur donner un espace pour accompagner les gens qui souffrent, pour permettre à ceux-ci d’avoir accès rapidement à une aide compétente et personnalisée à leurs besoins. Je veux aussi souligner que d’autres intervenantes, bien qu’elles ne fassent pas partie d’un ordre professionnel, sont habiletés, en fonction de leurs expériences professionnelles et leurs formations académiques (collégiales et/ou universitaires) à offrir de la relation d’aide et du soutien aux personnes vivant des défis avec leur santé mentale, telles que les éducatrices spécialisées et les intervenantes psychosociales. Elles sont importantes et peuvent faire une différence.

On parle de listes d’attente ? On parle d’un manque d’aide professionnelle ? On parle d’une pénurie de psychologues ? On parle d’une santé mentale collective qui s’altère de plus en plus ? 

En tant que professionnelles de la santé mentale et des relations humaines, les criminologues, les sexologues, les travailleuses sociales et les psychoéducatrices qui œuvrent au privé PEUVENT aussi faire leur part, elles PEUVENT mettre la main à la pâte et participer à diminuer l’attente (parfois sentie comme interminable) des gens qui ont un besoin d’aide immédiat. 

Et si on utilisait davantage les ressources professionnelles actuellement disponibles au Québec pour soutenir la santé mentale des individus ?

Un texte de Maude Fortier, fière criminologue et éducatrice spécialisée 

**Le genre féminin est utilisé dans le texte afin d’alléger celui-ci et n’a aucune intention discriminatoire.


Maude

Maude est une criminologue exerçant dans la sphère privée. Elle se spécialise dans la rédaction de rapports d’évaluation criminologique et se passionne pour la réinsertion sociale et l’intervention auprès des hommes judiciarisés.

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